mercredi 22 février 2012

Extrait d'Éternelle jeunesse

Il y a un peu plus d'un an maintenant, à l'occasion du salon Zone Franche, paraissait Éternelle jeunesse, une anthologie publiée par les éditions Asgard sous la direction de Thomas Riquet.


Pourquoi parler, de but en blanc, de cette anthologie ? Parce que je figure au sommaire, et que ce texte marque la première rencontre entre des personnages sortis de mon imaginaire et un public ! (Je ne vous raconte pas le trac ressenti quand quelqu'un vous annonce nonchalamment qu'il a lu votre nouvelle... et qu'il veut une dédicace.)
En tant que première expérience littéraire, cette nouvelle restera toujours importante à mes yeux (même si je me rends compte aujourd'hui que le style n'était pas tout à fait au rendez-vous), puisque c'est elle qui m'a décidée à présenter mes textes aux autres.
Et puis, quel plaisir de se retrouver aux côtés de Jean Millemann, Lucie Chenu, David Bry, etc., et de profiter de leurs conseils avisés !

J'ai pris beaucoup de plaisir à habiter ce personnage féminin... que je vous laisse découvrir à travers un court extrait de Sue3 (la nouvelle elle-même étant courte) :
Ce qui attira son attention en premier lieu fut le claquement de ses talons sur le parquet. Malgré son esprit ralentit par l’alcool, il se retourna prodigieusement vite. Il était bien rare, en effet, de voir une quelconque femme entrer dans ce bar. Ses pensées tentèrent de former un tout cohérent. Il fut incapable de se rappeler s’il avait déjà vu une femme du village porter des talons. Voire seulement exprimer sa féminité. C’était tout cela qui l’avait poussé à se retourner, la certitude d’un spectacle qui pimenterait sa morne vie de quarantenaire, vivant seul avec sa mère, alcoolique. 
Elle était en effet pimentée, et inconnue. Elle n’était sûrement même pas de la région. Ses talons se turent quand elle s’assit sur un tabouret voisin. Elle commanda un whisky, sans glace. Elle lui jeta un regard en coin. Soudain conscient de son impudeur, qu’il mit sur le compte de l’alcool, il baissa les yeux et fixa son mélange anisé. Nul besoin de la regarder, son image s’était gravée sur sa rétine. Petite, brune, avec de grands yeux bleus presque transparents. Des chaussures à talons rouges, tout comme son rouge à lèvres. Une robe noire,
simple. Ses longs cheveux bouclés lui caressaient le bas du dos.
Il se prit à se demander si cette masse soyeuse pourrait tenir en une seule main, alors qu’il guiderait sa tête toujours plus bas.
Il manqua de s’étouffer avec sa gorgée d’alcool. Le geste était tellement familier qu’il ne se rendait plus compte des moments où il approchait le verre de ses lèvres sèches. Elle avait posé une main sur son bras et lui demandait s’il allait bien. Oui, on ne le peut mieux. En était-il sûr ? Il acquiesça, elle lui sourit. Sa voix était comme les claquements annonçant son entrée, féminine et assurée. Elle lui dit son prénom, qu’il ne retint pas.
D’ailleurs, il ne l’écoutait pas, il fixait sa bouche charnue. Elle souriait à nouveau. Il imagina les dents blanches se refermant sur son cou. Regarda la main toujours sur son bras et ressentit le vif plaisir que ses ongles rouges pourraient lui infliger en une griffure.
Il ferma les yeux.
Jamais il n’aurait pensé pouvoir avoir de telles pensées envers une inconnue. Lui qui pouvait compter sur les doigts d’une seule main ses expériences intimes.
Elle continuait à parler en souriant. Elle venait d’arriver, ne connaissait personne encore. Un bar n’était-il pas un lieu propice aux rencontres ? Il tenta de sourire, se sut niais. Elle sourit en retour, regarda la fine montre attachée à son poignet. Elle recommença à parler, il était tard, elle devait rentrer pour se lever tôt demain.
Il ne put croire qu’ils discutaient déjà depuis plus d’une heure, il avait bien bu plus que de raison. Elle lui adressa un signe de la main et quitta le bar. Le patron commenta l’arrivée de la nouvelle venue, il ne répondit pas. Il sourit, à demain, et reprit la route.

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